Mauvais genre – Chloé Cruchaudet – éditions Delcourt- 2013.


Mauvais genre – Chloé Cruchaudet – éditions Delcourt- 2013.


  La bande dessinée s'inspire de l'histoire vraie de Paul Grappe et Louise Landy qui se marièrent en 1911, puis furent séparés par la guerre. Face à l'horreur de celle-ci, Paul se mutile, déserte puis se réfugie chez sa femme. C'est là qu'il décide, pour échapper aux autorités, de se travestir afin de pouvoir vivre une vie hors de leur appartement. Le secret de son identité, ils le conserveront jusqu'en 1925, date de l'amnistie.
C'est cette histoire, contée dans l'ouvrage La garçonne et l'assassin, que Chloé Cruchaudet nous livre dans un album impressionnant de cohérence. De la rencontre du couple en passant par l'horreur des tranchées, jusqu'à l'ambiguïté des sentiments de Paul devenant progressivement Suzanne...tout y est évoqué avec fluidité, force et sensibilité. Si parfois les personnages cèdent à la volupté, l'inquiétude n'est jamais loin. Témoins ces scènes en forêt qui s'extraient du quotidien et inventent une autre réalité.
Ce qui fait la force de Mauvais genre, au-delà de ses qualités graphiques et scénaristiques, c'est l'incarnation de son personnage principal : Paul/Suzanne. Si dans un premier temps, le travestissement est un «jeu» de couple, très vite Paul/Suzanne prend non seulement l'initiative de ses transformations, mais y prend un plaisir évident. C'est avec une infinie sensibilité qu'on l'observe lissant ses cheveux ou ressentir une étoffe. Lorsqu'il/elle sort de la bouche de métro- devançant ostensiblement sa femme, il/elle est magnifique et sublime l'ensemble du décor.
La bande dessinée finit par cette terrible phrase «Quel gâchis.», car oui toute cette exacerbation est née du terrible conflit et de ses traumatismes. Mais de ce marasme, et le temps d'un album, Chloé Cruchaudet a inventé un personnage flamboyant et terriblement vivant.

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