Chroniques de la vigne / Conversations avec mon grand-père - Fred Bernard - éditions Glénat – 2013.


Chroniques de la vigne / Conversations avec mon grand-père - Fred Bernard - éditions Glénat – 2013.


Depuis La Tendresse des crocodiles en 2003, nous suivons les albums de Fred Bernard. Dans ce titre, où il démarrait la généalogie de la famille Picquiny, il confirmait ses talents de conteur aperçus déjà dans ses somptueux albums jeunesse en binôme avec François Roca, mais surtout s'y révélait un véritable auteur de bande dessinée dont le style nerveux et sensuel accompagnait des aventures romanesques et scintillantes.
Aujourd'hui, Fred Bernard nous revient avec un album à forte teneur autobiographique, fait de courts chapitres extraits des entretiens avec son grand-père vigneron, mais également de réflexions et d'anecdotes personnelles.
Pour les lecteurs réguliers de Fred Bernard, cet amour pour son village, pour un certain art de vivre, mais également pour le vin était déjà fortement évoqué dans les aventures de Jeanne Picquigny. Dans L'ivresse du poulpe par exemple, on voyait l'héroïne déguster et dialoguer autour de ce nectar "1920: une grande année. Les vins de la guerre n'ont pas grand intérêt, à part 1915. les 1911 sont exceptionnels, mais nous les gardons."
Ce n'est donc qu'un retour séminal ou plutôt une parenthèse nécessaire que nous propose l'auteur, bien loin d'une quelconque stratégie pour coller à une actualité bande-dessinée-vignobles initiée depuis le succès des Ignorants de Davodeau.
Chroniques de la vigne est une évocation ludique et passionnante de ce monde du travail de la vigne qui a vu grandir Fred Bernard. Son grand-père, "l'homme aux 40 000 bouteilles", s'y révèle à la fois philosophe ("Les arbres ont bien grandi, depuis mon enfance. Les vignes non. Les vignes, c'est du bonsaï!"), historien de ses terres ("Pendant l'Occupation, il y avait un couvre feu tous les soirs dans le village...") ou humoriste enthousiaste ("Tiendrions-nous mieux l'alcool et pourquoi? Grâce à nos camps d'entraînements souterrains que l'on appelle des caves.")...
Au-delà de ces anecdotes vigneronnes, la grande force de l'album réside dans l'évocation d'un grand-père par son petit-fils. Bien souvent, nous les voyions tous deux sur un chemin, l'un suivant l'autre, regardant ensemble ces terres qui les ont vu grandir. Fred Bernard l'accompagne avec une émotion non dissimulée. Il sait que cet homme est porteur d'histoires qu'il est un des derniers à connaître, mais également qu'il contemple la vie avec des notions d'une autre époque. "Mon grand-père aime transmettre. Au premier apéritif avec mon fils il a passé son doigt dans sa coupe de crémant puis dans le bouche de bébé. C'est son baptême à lui. (J'y ai eu droit, ma mère aussi)." Ces Chroniques de la vigne sont gorgées de ces petits moments forts que l'auteur rapporte dans ces carnets -avec une joie presque enfantine dans l'utilisation de la couleur par exemple- afin de les conserver et de les transmettre.

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