Maus – Art Spiegelman – éditions Flammarion.


Maus – Art Spiegelman – éditions Flammarion.

Pourquoi écrire sur Maus. Sans doute une des bandes dessinées les plus médiatisées de ces 25 dernières années : LA bd qui a eu le prix Pulitzer en 1992.

Sur le dos du tome 1 l'éditeur écrit : « Oubliez vos préjugés : ces souris-là ont plus à voir avec Kafka ou Orwell qu'avec Tom et Jerry. Ceci est de la vraie littérature. »

Art Spiegelman parvient à travers les deux volumes de Maus à nous faire ressentir avec une force, préservée à chaque lecture, l'horreur de la Shoah. Il use pour cela de tous les moyens que le médium bande dessinée lui offre : intégration de croquis, de plans, de schémas ... afin de nous dresser le portrait le plus complet de cet effroyable épisode de l'histoire. A travers le destin de ces souris persécutées, nous sommes émus et effrayés par l'horreur de l'inexorable cheminement.

Pour autant, l'erreur serait de limiter Maus à la Shoah. La force des albums réside également dans la capacité que possède Art Spiegelman à nous montrer toute la complexité du personnage de son père.

Ce dernier, de par son histoire, ne peut qu'attirer notre « compassion ». Celle-ci est amplifiée par les larmes versées sur Anja, sa femme disparue, mais également par les hurlements qu'il pousse durant les nuits, sans doute hanté par les souvenirs des disparus et par l'horreur de ce à quoi il a survécu. Oui, le personnage nous touche.

Pour autant, le portrait du père nous montre également un homme débrouillard et intelligent mais pingre, raciste et peu ouvert aux autres. Spiegelman ne cesse durant le récit de se demander si la Shoah a rendu son père tel qu'il le connait. Le tome 1 se conclut par un bouleversant « assassin » jeté par Spiegelman à son père.

Le titre du tome 1 est « Mon père saigne l'histoire » est à ce titre d'une violence extraordinaire.

La force de la BD, en plus de son sujet, vient de la façon dont Spiegelman travaille ses planches comme un matériau vivant. Il y mêle au sein d'une même page différentes narrations, passant du récit de son père aux scènes contemporaines. Il y a quelque chose d'organique dans ce montage, qui contraste avec le long travail de préparation auquel s'est attelé l'auteur.

Dans le tome 2, Art Spiegelman s'interroge : « Il y a tant de choses que je n'arriverai jamais à comprendre ou à visualiser . J'veux dire la réalité est bien trop complexe pour une BD... il faut tellement simplifier ou déformer ».

C'est par le tramage du récit que Spiegelman parvient à rendre sensible la complexité des individus, de son propos et de l'histoire.

Non, ceci n'est pas de la littérature. Ceci est une immense bande dessinée.

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