Fantax, tome 1, numéros 1 à 8, 1946-1947 – Chott – Editions Connaître Chott ou pourquoi Fantax doit être Prix du Patrimoine 2012 à Angoulême.



Fantax, tome 1, numéros 1 à 8, 1946-1947 – Chott – Editions Connaître Chott.

En 1989, j'avais 12 ans, mon père m'offrit un livre de poche intitulé 93 ans de BD, écrit par Georges Sadoul. Ce livre m'a permis d'apprendre plein d'informations sur l'histoire de la BD depuis ses origines. C'est ainsi que j'appris l'existence d'un justicier masqué français sévissant sous le nom de Fantax, dès 1946. Georges Sadoul indiquait que cette série eut un succès considérable « les ventes dépassaient les cent mille exemplaires au numéro ». Puis, Sadoul continue en émettant une critique concernant le travail de l'auteur même : «  (…) nombre de dessins étaient directement décalqués sur les bandes américaines. Il s'agit bien de calques, non d'imitations ; ainsi au détour des pages, on reconnaissait un dessin d'X9 par Austin Briggs, ou de Tarzan par Hogarth ! » Pour finalement conclure, et atténuer sa critique, par un : « Soyons sincère, j'ai pris plaisir à lire Fantax. »

Voilà ce que je connaissais de cette bande dessinée -ce à quoi il faut rajouter les deux visuels accompagnant l'article de Sadoul- jusqu'à il y a peu.

Et puis, enfin, arrive cette réédition des premières aventures de Fantax. Autant le dire tout de suite : si je suis capable de voir l'influence de Hogarth dans le travail de Chott, je ne connais pas suffisamment son travail pour juger s'il s'agit véritablement de copie. C'est donc -peut-être- avec un oeil plus indulgent que je lis cet album.

La question réelle que l'on peut se poser aujourd'hui est la suivante : y a-t-il un intérêt à rééditer en 2012 les aventures du justicier masqué ?

Parlons d'abord de l'objet que l'on tient entre les mains, cet épais volume alternant pages en noir et pages en bleu avec sa tranche cousue, incluant les couvertures d'époque, les « publicités » de fin de volume, ainsi qu'une préface de Jean-François Mattéi et une postface de Danièle Mouchot (sa fille). Pour dire vrai, je n'avais pas connu de telle émotion BD-bibliophilique depuis la célèbre collection Bande-Jaune chez Futuropolis. Plonger dans ce premier volume de Fantax, c'est également s'immerger dans l'histoire de la bande dessinée . Si la préface évoque l'aspect madeleine de cet ouvrage, la postface se révèle vite passionnante, et touchante lorsque l'on découvre qu'elle est écrite par la fille de Pierre Mouchot, alias CHOTT. On y découvre un Pierre Mouchot réalisant des tampons au linoléum afin de produire de faux papiers pendant la guerre, mais également un résistant et homme d'action. La postface s'arrête à sa démobilisation le 16 Novembre 1945. Si ses années d'auteur de BD et son combat contre la censure n'y sont pas encore abordés, on y découvre déjà un Pierre Mouchot attiré par le dessin. Tous ces documents (textes, photos...) proposés dans l'album permettent de reconstituer une époque et un personnage.

Cette édition a la grande intelligence de comprendre que pour apprécier Fantax aujourd'hui, il faut nous le représenter dans son contexte.
Lire Fantax aujourd'hui, c'est non seulement percevoir l'influence de la BD américaine sur certains français, mais également se plonger dans une part de notre histoire.

Pour autant, il ne faut pas oublier le contenu de cet album. C'est armé de ces informations -on peut même lire la postface avant la BD proprement dite- que nous plongeons dans les aventures de Fantax.

Chaque fascicule s'ouvre par le fac-similé de la couverture originale. Ces couvertures sont magnifiques. On y voit les moments phares de l'aventure à venir fondus au sein d'un même espace. L'invitation à la lecture y est totale. Ces couvertures sont à mon sens de véritables petits bijoux.

Puis arrivent les histoires proprement dites. Le contexte historique y est daté : Fantax alias Lord Neighbour combat les « méchants » nazis, japonais ou autres ennemis.
Ce qui surprend très vite, c'est l'attrait de Chott pour le mouvement. Son personnage ne cesse de bondir, de passer par les fenêtres... Même dans les cases dites calmes -et elles sont rares- son corps est sans cesse en mouvement. De même, s'il ne possède pas de Batmobile, c'est l'ensemble de ce qui peut lui apporter de la vitesse qu'il utilise (voitures, camions, motos, avions, chevaux...). Fantax est mouvement... et Chott (une fois de plus, je ne sais pas s'il y a copie) est imbattable pour trouver des pauses et des inventions dans ses compositions qui amènent à mettre en valeur cette gestuelle. Chaque case -ce qui finalement n'est pas si fréquent- semble amener l'autre dans un mouvement incessant.
Il y a ici un véritable talent dans la conception globale de chaque planche. Pour répondre à Sadoul, la bande dessinée n'est pas uniquement le dessin mais elle est surtout l'art d'enchainer les cases et les ellipses. D'où, malgré sa réserve, le fait qu'il ait pris « plaisir à lire FANTAX ».

Si cet attrait pour le mouvement est évident, je veux juste par une petite parenthèse évoquer un des autres éléments preuve du talent de Chott : la représentation des visages. Le personnage de Fantax parvient ainsi à concilier force et noblesse ce qui amène un peu de profondeur à cette course effrénée.




Commentaires

  1. Bonjour monsieur Moulary,

    Auriez-vous un autre exemplaire à vendre de cette intégrale Fantax volume 1 ? Elle est épuisée chez l'éditeur editionschott.com

    Cordialement

    Philippe

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  2. Bonjour...non, désolé pour vous. Je suis avant tout lecteur...et n'achète que pour mon usage personnel. Bonne chance dans votre recherche. L'album en vaut la peine!

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